Qu’est-ce qu’un lanceur d’alerte ? Le vocable de lanceur d’alerte a été créé en 1990 par les sociologues F. Chateauraynaud et D. Tomy. Il est différent du terme : délateur dans la mesure où le délateur est souvent « malveillant ». Il agit pour tirer un profit personnel suite à la déchéance de celui qu’il dénonce. En revanche, le lanceur d’alerte est un honnête citoyen libre et de bonne foi. Il prend la décision personnelle et sincère de signaler aux pouvoirs publics, un danger réel, des risques majeurs ou des mauvaises pratiques préjudiciables aux intérêts de la nation. Le lanceur d’alerte n’est jamais dans une logique d’accusation crypto personnelle. Il agit pour l’intérêt du bien commun.
En d’autres termes, le lanceur d’alerte est un citoyen ou mouvement de citoyens qui après avoir découvert des indices graves et concordants de nature à porter préjudice aux intérêts de ses concitoyens, à l’économie nationale, à l’environnement ou au patrimoine commun, décide de manière désintéressée d’alerter les autorités étatiques, la société civile ou la presse. En agissant ainsi, il prend le risque de s’attirer les foudres de sa hiérarchie et de mettre en péril sa carrière, sa sécurité personnelle et celle de sa famille. Le lanceur d’alerte refuse la corruption et la concussion. Il n’accepte pas de s’associer aux groupes mafieux. C’est la raison pour laquelle, il n’hésite pas à se sacrifier pour combattre l’injustice et l’arbitraire.
Par les actes qu’il pose avec courage et abnégation, le lanceur d’alerte met en péril sa santé financière, sa sécurité et son image. Voilà pourquoi il doit être écouté ! Voilà pourquoi il doit être encouragé ! Voilà pourquoi les informations qu’il fournit doivent toujours faire l’objet d’audit, d’investigations, d’enquêtes sérieuses et approfondies dans le but de dénicher ces prédateurs tapis dans l’ombre. Sans un coup d’arrêt, ils continueront de ruiner les fondements de notre économie et de dévaster les racines vitales de notre République !
C’est dire M. le Président de la République, que vous devriez être la première autorité de notre pays à prêter une oreille très attentive aux lanceurs d’alerte. Vous ne devriez également pas permettre à un seul de vos proches collaborateurs de bloquer les messages et les courriers des lanceurs d’alerte. Le collaborateur qui agit de la sorte, sous prétexte d’éviter de vous « déranger », ne fait que poser sur votre chemin, des bombes à retardement aux effets désastreux pour vous et pour le peuple sénégalais. M. Le Président, les lanceurs d’alerte détiennent très souvent des informations béton et des preuves irréfutables ! En conséquence, votre administration devrait éviter de faire la sourde oreille ou de contrarier les initiatives de haute portée civique provenant des lanceurs d’alerte. Quand l’autorité reste sourde à l’appel du lanceur d’alerte ou se met à brandir contre lui des sanctions et des menaces, au nom d’une soi-disant « obligation de réserve » ou « violation de serment », elle se rend coupable d’un acte contreproductif très proche de la forfaiture. En un mot, il crée des risques réels de violation de secrets d’État et de regrettables déballages préjudiciables au prestige et à l’honneur de la Nation.
Aujourd’hui, au seuil de votre mandat présidentiel, il me parait important de rappeler les engagements du Sénégal dans le cadre de la « Convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption ». Notre pays s’est engagé à adopter des mesures législatives pour protéger les lanceurs d’alerte et les témoins dans les cas de corruption et d’infractions assimilées, y compris leur identité. En plus, le Sénégal s’est fait l’obligation de mettre en place des structures comme l’OFNAC, tout en s’assurant que les citoyens signalent les cas de prévarication, sans craindre des représailles !
Monsieur le Président de la République, au seuil de votre mandat, je voudrais vous rappeler respectueusement une contribution que j’avais publiée dans un passé récent et qui avait pour titre : « M. Le Président de la République, votre administration ne répond plus.» J’attirais l’attention des autorités sur l’impossible accès des citoyens sénégalais à nos ministres, directeurs généraux et autres détenteurs de l’autorité étatique. Il est de notoriété publique que la plupart de ceux qui sont nommés pour diriger la haute administration se barricadent, font la sourde oreille et ignorent les messages des lanceurs d’alerte et les préoccupations majeures des populations. Ils ne répondent pas au courrier officiel, encore moins au téléphone. Au temps du Président Senghor, il arrivait que je trouve une lettre-réponse du Président de la République ou d’un ministre à l’adresse d’un modeste cordonnier, d’un berger ou d’un petit fonctionnaire. Cette belle époque semble révolue, car présentement, la plupart des officiels se réfugient derrière un mur de silence, face aux interpellations des Sénégalais!
Monsieur le Président de la République, n’oubliez pas qu’au nom de la Constitution de notre pays, vous êtes le Premier Protecteur des Arts, des Lettres et des Artistes. Les écrivains sont considérés comme des créateurs immortels ! Ce sont des éveilleurs de conscience, des chasseurs d’aurores, des collecteurs de vérités et des lanceurs d’alerte ! Merci d’avoir entamé votre mandat en promettant d’écouter et de protéger les lanceurs d’alerte !
Monsieur le Président de la République ! Qu’Allah (SWT) vous protège, guide vos pas et vous gratifie de ses innombrables bienfaits pour que règnent la PAIX, le BONHEUR et la PROSPÉRITÉ dans notre si beau pays le SÉNÉGAL !.
Moumar GUEYE Écrivain