La communauté mondiale islamique, communément appelée Ummah islamique, a grandement besoin de se parler pour échanger et arrondir les angles sur la lancinante problématique du croissant lunaire. Les années se succèdent et se ressemblent à chaque fois que se pointent les deux célèbres et saints mois du Ramadan et du Hadj appelé pèlerinage à la Mecque qui marquent le début ou la fin du jeun ainsi que la célébration de la fête de l’Aid El kabir ou Tabaski. C’est l’occasion de la manifestation des plus grandes divergences de point de vue selon les pays pour fixer la date officielle de ces évènements consacrés pour le musulman.
Faut-il perpétuer ces dilemmes, ou, est-il temps de trouver une solution ?
Cette question me taraude depuis plus de quarante ans. Où a-t-on vu le croissant lunaire, dans quel pays, dans quelle ville, par qui, les auteurs sont-ils crédibles, autant de questions sans réponses plausibles. En 1982, jeune étudiant, je pris la ferme résolution de me fier aux annonces officielles de la Radio nationale pour éviter les nombreux sons de cloches qui nous parvenaient de partout et de nulle part. Je restais convaincu que la commission nationale avait le mérite de centraliser les appels, de les trier et de les vérifier avant de les diffuser à travers la radio. En 1991, plus de dix ans après cette première décision, je me retrouve interné à l’hôpital Principal de Dakar. La chambre d’à côté, était celle d’un grand imam de la place, qui venait de subir une opération des yeux. Quelle ne fut ma surprise quand un jour ou deux après ma sortie, la Radio Nationale annonçait la fin du ramadan en citant pour preuve le nom de cet imam qui aurait aperçu le croissant lunaire au large de Yoff avec un groupe de d’hommes. C’était suffisant pour que le Sénégal presque à l’unanimité coupa le jeun et célébra la fête qui marqua la fausse fin du mois de Ramadan de cette année. Une semaine après, la famille de l’imam annonçait par la voie de la même Radio Nationale, un communiqué pour démentir les allégations attribuées à leur père et imam. C’était suffisant pour que désormais, les annonces spectaculaires à la radio qu’un tel ou deux individus ou encore plus dans un coin de la terre auraient aperçu le croissant me laissaient au pôle nord. Je me limite à cette anecdote vécue personnellement alors que j’en connais d’autres qui démontrent la légèreté qui sous-tend très souvent nos prises de décision qui rythment la célébration de nos fêtes religieuses au Sénégal. C’est ce genre de déconvenue qui avait poussé avant mon expérience, le guide religieux Serigne Abdoul Ahat Mbacké à déclarer symboliquement qu’il avait désormais destitué l’oreille pour élire l’œil. “Folli na noop fall beut”.
Quand la lune se couche avant le soleil, il devient absurde de déclarer la voir après le coucher du soleil
Combien de fois il a été établi scientifiquement que la lune se couche tant de minutes avant le soleil et que des hommes et des femmes soutiennent avoir vu l’impossible croissant lunaire entraînant béatement dans l’erreur toute une communauté musulmane de bonne foi. On peut citer à l’origine de ces faits, des irréductibles, des malintentionnés ou simplement des personnes dignes et crédibles mais ignorant l’existence ou la véracité de ces lois de la nature par la grâce d’Allah le créateur des Cieux et de la Terre. En 2012, la presque totalité des pays musulmans du monde y compris l’Arabie Saoudite, avaient célébré la fin du Ramadan les 19 et 20 août sauf le Mali et le Niger dont les commissions avaient déclaré que lune a été aperçue le 17 août au moment où les données astronomiques confirmaient que ce jour-là, la lune s’était couchée 12 minutes avant le soleil. Malgré cela, une partie des musulmans du Sénégal avait coupé le jeun le 18 août parce que la lune aurait été aperçue au Mali. Cette année encore en 2024 (1445 de l’hégire), l’Association Sénégalaise pour la Promotion de l’Astronomie (ASPA) a fait un communiqué pour rappeler que ce lundi 08 avril 2024, la lune se couchera à 19 h 21 mn GMT alors que le soleil se couchera à 19 H 23 mn GMT. Par conséquent, la lune se couchera avant le soleil. Le croissant lunaire ne sera observable nulle part sur la terre selon toujours le communiqué de l’ASPA. Malgré ces informations de haute portée, des compatriotes ne manqueront pas d’audace pour nous dire comme à l’accoutumée, au nom de telle ou telle autre association musulmane de la place et sans preuve tangible, que la lune a été aperçue à Yeumbeul, Malika, ou encore au Mali et en Arabie Saoudite. Il est difficilement compréhensible qu’au 21ème siècle, à l’ère du numérique et de toutes ces avancées technologiques, des musulmans acceptent de déterminer les horaires de prière conformément à la science et refusent les données astronomiques qui concourent simplement à orienter et à crédibiliser la détermination des débuts et fins des mois sacrés. Scruter le croissant lunaire demeura une règle intangible pour la détermination des débuts et fins des mois lunaires mais l’astronomie permettra de mieux l’encadrer pour éviter les fausses annonces et les erreurs non intentionnelles.
Appel au Président Diomaye et au Prince Mohammad Ben Salman
C’est l’occasion pour nous, au moment où nous nous trouvons dans les lieux Saints de la Mecque et de Médinatoul Mounawara, de faire appel à nos vaillants jeunes dirigeants qui par la volonté d’Allah président au destinés de millions de musulmans sénégalais, saoudiens et par extension de toutes la Ummah vue la place et le rôle éminent qu’occupent l’Arabie saoudite, pour faciliter une grande rencontre sur la problématique du croissant lunaire. Le but ne serait pas de forcer l’unanimité ou l’unicité des dates, mais plutôt de réduire les divergences, d’approfondir les connaissances des uns sur les fondements de la charia qui régissent ce domaine et des autres sur l’apport scientifique de l’astronomie afin de contribuer à une meilleure compréhension et une meilleure pratique. Le thème de ce grand événement pourrait être : “CROISSANT LUNAIRE : METTRE LA SCIENCE ET LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DE LA CHARIA”. Le Sénégal et l’Arabie Saoudite auraient l’honneur d’organiser conjointement cette rencontre qui réunirait les grands astronomes du monde et les érudits de l’islam à Dakar ou à Jeddah.
Auteur : CHEIKH BAMBA DIOUM / Président du Gie Yoonu MAKKA