Beaucoup de fantasmes sont véhiculés sur la richesse réelle ou alléguée du candidat de la majorité présidentielle. Ironiquement, il est affabulé du titre non flatteur de « fonctionnaire milliardaire ». Il y a, vraisemblablement, une part d’exagération dans cette blague de mauvais goût, nourrie certainement par l’absence de déclaration publique de son patrimoine.
Encore qu’il n’y a pas de fumée sans feu… La vidéo, devenue virale, de la villa cossue de l’ancien ministre des Finances, nichée dans le huppé quartier des Almadies, garnie d’un ascenseur, dotée d’une piscine et embellie d’un parc automobile exubérant et autres décors de palais, ne plaide pas en sa faveur. Ces signes extérieurs d’opulence et autres atours de richesse extériorisent, sans doute, un train de vie dispendieux qui tranche d’avec la sobriété, marqueur habituel des fonctionnaires.
Dès lors, il y a lieu de formaliser le débat sur la moralité, l’éthique et la probité des hommes et des femmes qui veulent diriger le Sénégal dans la vertu en s’appuyant sur du factuel.
D’emblée, les candidats n’ayant jamais eu à exercer des fonctions publiques ni à gérer des deniers de l’Etat sont épargnés autant que ceux, en dépit de charges publiques importantes n’ont jamais été cités dans une affaire ou rapport publics. L’absence d’éléments objectifs les disculpe et atteste en même temps leur présomption de bonne moralité dans la gestion des derniers publics.
Notre périmètre de recherche concerne donc les candidats dont les noms ont été associés à des affaires dans lesquelles leur gestion a été passée aux cribles. Ainsi, les cas de trois candidats, deux anciens maires et un ancien premier ministre nous sont parus dignes d’être évoqués.
Le premier cas est celui d’un des maires de l’une des plus grandes villes du pays. Il a été jugé après une accusation de détournement de deniers publics dans des chantiers à lui confier par l’Etat dans sa ville. Malgré de lourdes charges issues d’un rapport de l’Inspection générale d’Etat (IGE), il a fait l’objet d’un non-lieu. Ce jugement est tout de même tacheté par des soupçons de « deals politiques » avec le pouvoir politique de l’époque sous l’appellation peu glorieux, de « protocole de rebeuss ». Le mis en cause a toujours affirmé et assumé que personne ne peut « prouver » qu’il a détourné de l’argent public…La nuance, un art oratoire !
Le deuxième cas est celui du maire de la plus grande ville du pays. Dans l’affaire de la gestion de la caisse d’avance de sa commune, il a été jugé et déclaré « coupable de faux et usage de faux en écriture de commerce, de faux et usage de faux dans des documents administratifs et escroquerie portant sur des deniers publics » et « condamné à cinq (05) ans d’emprisonnement ferme FCFA ». Dans cette affaire, la matérialité des faits jugés n’a jamais été contestée…les récriminations s’attardant sur l’opportunité des poursuites, les accointances entre le calendrier de la justice et celui électoral et, tuti quanti.
Enfin, la gestion du candidat, ancien premier ministre, ancien ministre et ancien Directeur général a été largement évoqué dans le « Rapport public sur l’état de la gouvernance et de la reddition des comptes » publié en juillet 2014 par l’IGE (https://www.ige.sn/images/stories/Rapport%20public%20sur%20l’Etat.pdf).
L’IGE manque de peu de qualifier ses actes, dans le cadre de sa gestion foncière, d’enrichissement illicite. Le rapport estime que « de toute évidence les intérêts de l’Etat n’ont pas été sauvegardés » dans le montage financier des travaux de réalisation du Monument de la Renaissance africaine (page 67 à 75). Par des combinaisons et autres couplets gagnants ou couplets placés, ce candidat a permis une société civile immobilière de réaliser sur le dos du contribuable sénégalais un gain de 7,6 milliards de FCFA en sus de l’obtention d’une assiette foncière de 36ha.
Le même rapport (page 76 à 81) pointe des manquements à son encontre dans « l’opération foncière consistant en l’acquisition par l’Etat des terres du Général Chevance BERTIN à BAMBILOR» conduite sous son magistère de Directeur général. L’IGE considère que cette opération comporte au fond un « détournement d’objectifs » et « des manœuvres manifestes de contournement de la loi ». L’IGE y relève une « perte de ressources fiscales », un « enrichissement de particuliers au détriment de la collectivité nationale et du Trésor public » ainsi que « des négligences de nature à compromettre les intérêts de l’Etat». Au total, le préjudice de l’Etat dans cette opération est évalué à 30 milliards de FCFA par l’institution de contrôle.
Enfin, dans son Rapport d’activités 2019 (pages 52 à 56), l’Office national de lutte Contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) met en lumière toutes « les entorses à la procédure régulière » dans le cadre de l’affaire dites des 94 milliards ». Ces manquements laissent « penser à une volonté inavouée des fonctionnaires concernés (y compris le Ministre des Finances et du Budget, le Directeur général des Impôts) de tirer le maximum de profit dans une procédure d’indemnisation, tout en sachant qu’il y a eu un premier cas d’expropriation ayant abouti à une indemnisation ». Dans ses conclusions, l’OFNAC estime que les éléments de fait révélés par ses enquêtes pourraient permettre de « retenir les infractions d’association de malfaiteurs; d’escroquerie portant sur des deniers publics ; de tentative d’escroquerie portant sur des deniers publics et de complicité d’escroquerie portant sur les deniers publics ».
Ces éléments juxtaposés montrent que le défi lancé par le principal candidat de l’opposition, BDDF, est salutaire et participera à éclairer les zones d’ombre sur l’origine et la valeur de la fortune des candidats, surtout ceux n’ayant eu à exercer que des fonctions publiques.
Dès lors, nous invitons les sénégalais, avant de choisir ou de répudier la candidature de l’un quelconque des prétendants de se poser la question de savoir si ce dernier, au fil de sa carrière administrative, a été à cheval sur les règles d’éthique.
Pour notre part, sans jeter l’anathème sur personne, nous attestons, devant Dieu et les hommes, urbi et orbi, que BDDF est l’un des plus honnêtes sénégalais.
Pendant les sept premières années de sa carrière (2007 à 2014), il a été inspecteur vérificateur, chargé du contrôle fiscal des secteurs et des entreprises les plus importants du Sénégal. Non seulement, il a accompli sa mission avec la plus grande fermeté et rigueur professionnelle, mais il n’a jamais été pris en défaut pour des faits de corruption, de concussion ou de collusion. La position de travail est tentante (corruptogène) et les occasions pour des arrangements rémunérés étaient permanentes.
Pendant les sept dernières années de sa carrière (2014 à 2023), en sa qualité de chef du Bureau du Contentieux de la Direction de la Législation chargé d’une part de valider les demandes de remboursement et de restitution d’impôts formulées par les contribuables et, d’autre part, de préparer les dossiers d’arbitrage du contentieux fiscal tant au niveau administratif que juridictionnel, il n’a ménagé aucun effort pour défendre les intérêts de l’Etat ni cédé aux sirènes quotidiennes de la corruption.
Dans les deux situations, il était dans une situation fragile, celui du jeune fonctionnaire en quête de réalisation sociale , ensuite celui de l’opposant devant pour faire fonctionner un appareil politique.
En 2016, alors que la procédure de radiation de Sonko avait été lancée, BDDF devait être la seconde victime expiatoire. L’Etat avait demandé que l’on remonte toutes les procédures fiscales dans lesquelles il avait été impliqué. Informé, il ria à gorge déployée. Depuis lors, les résultats des enquêtes d’Etat sont attendus.
En 2022, avant de quitter la tête du syndicat des Impôts, BDDF a commandité un rapport rendu public sur sa gestion financière et sa gestion du foncier. Au cours des débats, le moindre écart n’a été relevé.
Après un séjour carcéral sur la base d’accusions non fondées, le jeune prophète Youssouf promus aux fonctions d’argentier de l’Etat promis aux siens l’abondance…
Vivement que cette histoire se répète avec le jeune BDDF qui, après un séjour carcéral basée sur de fausses accusations, nous conduise vers l’abondance !
Auteur : Elimane Pouye, inspecteur des impôts et domaines.